Témoignages

Propos recueillis par Paul Hermant, Nathalie Damman

En octobre 2022, des personnes ayant suivi un parcours de formation et de formation par le travail aux Petits Riens et dans d’autres organismes se sont exprimées sur leur expériences. Voici quelques extraits de ce qu’elles ont partagé.

Au tout début, je ne voulais pas venir, je n’avais pas la motivation, j’appelais pour dire que j’étais malade, mais après le Covid, tout a changé : je ne pouvais plus rester enfermé chez moi. Du coup, j’étais ici tous les jours, sans être payé. J’aimais travailler, j’étais épanoui. J’ai quitté la maison d’accueil. On m’a proposé de travailler comme bénévole, rémunéré à 6€/jour. J’ai fait cela un an, et on m’a proposé un contrat. J’ai accepté tout de suite : le travail m’a beaucoup plu. Le but derrière aussi : j’ai connu la vie à la rue et je sais que ce qui est fait ici est magnifique.

Je me rendais compte que j’avais besoin de liens sociaux et que rester chez moi ne servait à rien. Il fallait que j’aille vers les gens pour que cela puisse se faire. Et donc je me suis dit « Forme-toi ».

La connaissance n’est jamais quelque chose d’absolu car la vie est en perpétuelle évolution et demande une adaptation continue. Donc, se former relève davantage du bon sens que d’une incompétence à combler.

Moins on a de moyens, moins on voit du monde. Moins on voit du monde, plus on se renferme. Au bout d’un moment, ça devient assez pesant. Le fait de reprendre une formation était un bon moyen de reprendre contact avec d’autres événements que ceux de ma vie.

Être en formation pendant 5 mois m’a permis aussi de ne plus ressentir cette pression sur les épaules d’être au chômage. Et ça fait un bien fou. Savoir qu’on est légitime là où l’on est. Ne pas avoir cette épée de Damoclès au-dessus de la tête… C’était vraiment un poids énorme enlevé.

Le premier jour, c’est un peu un baptême du feu, tu apprends par toi-même.

Apprendre et se former, c’est donc pour moi être vivant, pleinement conscient que je peux toujours m’améliorer.

On a tous les jours plus de 2000 personnes par jour. On est environ 40 collègues ici. Ça fait 40 bonjours, 40 bonsoirs. J’aime bien… Il y a des gens de toutes catégories qui viennent ici : des supers pauvres, des supers riches, des SDF, des gens âgés, des homosexuels, des fous, des malades… On ne traite pas avec le public rapidement comme s’il était un numéro. Non, on travaille autrement… Les gens regardent autre chose. C’est un autre travail ici : on travaille avec un public parfois difficile, mais l’équipe est trop bien. On est tous d’un pays différent. On est plus que collègues, on est amis, famille… On se respecte ; ça me touche beaucoup.

Par rapport aux clients, c’est très différent de magasins, des grandes enseignes de mode bon marché. Là, on fait ce qu’on nous dit ; les clients ne négocient pas. Ici, les gens négocient et se permettent beaucoup de choses, mais c’est intéressant : ça m’a appris à dire non, à expliquer les choses, à me faire respecter. Ça permet de développer sa personnalité, le contact avec les gens. Il faut savoir se battre. Les situations parfois difficiles nous apprennent au final des choses positives.

Ici, comme la recherche d’emploi est vraiment axée sur la personne, ses réels besoins, aspirations et potentiels, les informations et les conseils reçus correspondaient davantage à ce que je suis et pas à ce que je devrais être pour le marché de l’emploi.

J’ai appris beaucoup sur moi, sur mes capacités, sur mes limites, ce sur quoi je peux travailler. On peut transformer des expériences difficiles en expériences positives. Je pensais que ce serait difficile de me sociabiliser : du jour au lendemain, tu te retrouves dans une équipe. Je me suis retrouvé avec des dames qui ont l’âge de ma mère, voire plus. Je pensais que ce serait difficile mais finalement, je me suis rendu compte que c’était un échange bénéfique pour tout le monde parce que je pense que la différence, c’est une richesse.

J’avais peur d’aller vers l’inconnu, de me lancer dans quelque chose que je ne maîtrise pas, mais maintenant, je me rends compte que même si on est dans l’inconnu, on peut le transformer en positif.

L’inconnu peut être connu si on veut l’apprendre.

Au niveau social, j’avais beaucoup de mal à m’ouvrir aux autres, mais ici ça a été très facile de leur parler de mes problèmes, de moi, de ce qui m’entoure. Je parle avec des collègues avec qui je ne pensais jamais parler.

Ça m’a aidé à clarifier ce que j’aime et ce que j’aime moins dans le domaine de l’informatique, à voir ce qui me parlait. C’est là où j’ai pu trouver, dans un module auquel je ne m’attendais pas, ce qui correspondait à ma personnalité et à ce que je pouvais faire comme métier.

La formation m’a ouvert des portes sur des compétences que je n’imaginais pas avoir et m’a permis de cibler le marché de l’emploi selon mes réels besoins et capacités.

Le fait de pouvoir échanger avec d’autres personnes qui ont vécu des situations relativement similaires aux miennes permet de s’échanger des filons et astuces et de se soutenir moralement les uns les autres quand certains vivaient des moments difficiles.

J’ai appris à prendre des initiatives, à m’affirmer, à m’ouvrir aux gens, à aller vers les gens sans attendre que les autres viennent vers moi. J’ai observé les gens, je voyais qu’ils étaient à l’aise pour se parler, ils s’adaptaient facilement, alors qu’ils étaient là depuis moins de temps que moi. Ils ne se posaient pas de question pour savoir si ce qu’ils allaient dire était bien ou pas. Moi, j’étais très réservée, très renfermée, je n’osais pas aller vers les autres. En voyant les nouvelles personnes arriver, je me suis dit que moi aussi, je pouvais être comme eux. Je suis entrée petit à petit en contact avec les gens. Il n’y a pas de secret, il faut être soi-même…

Être en formation m’a donné plus de structure aussi. Ça m’a donné un rythme : devoir me lever tous les matins avec un objectif, organiser les retours d’école de ma fille… Ça m’a restructuré dans mon quotidien et ça s’est répercuté sur tout ce que je fais.

Dans l’horeca, j’avais déjà des contacts avec clients, comme ici en librairie. La différence, c’est qu’avant, c’était pour nourrir le ventre, maintenant, c’est pour nourrir le cerveau… Il y a une certaine amitié qui se crée avec les clients ; ils reviennent, on parle des livres qu’ils ont lus. Je lis 2 à 3 livres par semaines donc j’ai trouvé le travail qui me convenait vraiment ici…

Ce qui me manque, c’est l’ambiance avec mes collègues. Je les vois 10 heures par jour, donc plus que ma famille.

J’ai acquis une meilleure vision de mon potentiel car j’ai pu cibler là où j’avais des lacunes et là où je pouvais me débrouiller. Ça me donne plus de confiance en moi pour pouvoir argumenter sur mes capacités lors des entretiens d’embauche.

J’ai aussi une meilleure perception de mes envies en termes de lieu de travail où j’aimerais évoluer Au Forem, on me propose le classique des classiques en termes d’offres d’emploi dans lesquelles je ne me retrouve pas et qui ne correspondent pas vraiment à mes besoins.

Ici, on est habitués à une clientèle parfois désagréable ; ça va nous forger le caractère pour nos expériences futures. On aura une meilleure aptitude à supporter le client, une meilleure maîtrise de soi.

L’approche très humaine de chaque stagiaire met en confiance. J’ai vu des gens complètement fermés s’ouvrir au bout de deux semaines d’une manière incroyable. Ça fait du bien dans une société complètement déshumanisée.

Ce qui me désole dans notre société, c’est que là où l’on devrait privilégier l’écoute et l’attention par rapport aux gens, c’est systématiquement la rentabilité qui prend le dessus. On est devenus des numéros sur une liste ; les services aux personnes n’ont plus le temps de s’occuper des gens. En formation, on est écouté, il n’y a pas d’empressement. Cela remet en confiance au niveau personnel et professionnel.

En formation, chacun pouvait avancer comme il était sans se conformer à des règles standardisées et insipides.

Chaque personne est considérée dans son ensemble et non pas seulement d’un point de vue administratif. Cette aide individualisée est un point très précieux.

Chaque acte de la vie est un apprentissage. Il n’est pas valorisé ou certifié mais il nous enseigne et transmet des connaissances.

Apprendre, c’est admettre que ce que je sais aujourd’hui n’aura plus la même valeur demain et qu’il faudra m’adapter.

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