Ceux qui ne bossent pas !

Édito

Par Éric Vermeersch

Selon un sondage du mois d’avril 2024, une majorité de belges demande la limitation des allocations de chômage dans le temps [1] . Sans surprise, ce sont majoritairement les électeurs des partis de droite, MR et Engagés en tête en Fédération Wallonie-Bruxelles et, de façon peut-être plus surprenante, les jeunes de 18 à 24 ans.

Le discours populiste de la droite fait mouche, sale temps pour ceux « qui ne bossent pas ». Devant de tels propos, nous naviguons entre incompréhension et colère. En effet, la plupart des spécialistes de l’emploi démontrent que cette mesure ne servirait à rien ou, au mieux, n’aurait qu’un effet très marginal sur le taux de chômage. Une étude de l’ONEM [2] contredit elle aussi cette mesure. Macro économiquement, manier le bâton envers les chômeurs a du sens pour remettre au travail des demandeurs d’emploi adéquatement formés dans une économie de plein emploi, ce qui est loin d’être le cas en Wallonie : au quatrième trimestre 2023, on compte 184.431 emplois vacants en Belgique dont 60 % en Flandre [3] pour 277.211 chômeurs complets indemnisés [4] , ceux-ci principalement wallons et bruxellois. Il ne suffit donc pas de traverser la rue pour trouver un boulot. On relèvera également que si la durée des allocations incite les demandeurs d’emploi à rester au chômage, on explique difficilement la différence de taux de chômage entre francophones et flamands, sauf à considérer des comportements différents des uns et des autres, ce que nous ne ferons pas.

De telles envolées populistes ne sont pas sans conséquences. Mettre un terme aux allocations de chômage revient à mettre la pression sur les demandeurs d’emploi afin qu’ils acceptent des emplois au rabais. Est-ce le monde selon Uber que nous souhaitons en tant que travailleurs ? Supprimer les allocations de chômage appauvrira une frange supplémentaire de la population, principalement dans les régions francophones du pays et essentiellement des femmes. Cette mesure poussera, celles et ceux qui ont encore un peu de droits résiduels, dans les bras des CPAS, en pesant sur le budget des villes et des communes qui sont déjà dans le rouge depuis longtemps.

Nous consacrons ce numéro à la précarisation de nos publics en ISP. Si cette mesure est adoptée par le prochain gouvernement, il y a fort à parier qu’une partie supplémentaire des demandeurs d’emploi disparaitra des radars, amenuisant encore un peu plus leurs chances de trouver un emploi. Vous avez dit précarisation ?

Aujourd’hui, la solidarité passe pour de l’assistanat. Méfiance ! La Flandre exclut ses immigrés, la Belgique s’apprête à exclure ses demandeurs d’emploi, à qui le tour dans 4 ans ?

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