Expérience en formation ISP

Témoignages

En automne 2023, des personnes participant à des actions en insertion socioprofessionnelle se sont exprimées sur leur expérience en formation ISP. Les associations qui nous ont ouvert leurs portes sont le Cesep, la Cobeff et Mode d’emploi Namur (initiative d’ISP de Vie Féminine).

En automne 2024, des personnes participant à des actions en insertion socioprofessionnelle se sont exprimées sur la notion de pénuries. Les associations qui nous ont ouvert leurs portes sont le Cesep, la Marmeet (restaurant participatif et solidaire) et FAC (Centre de formation du secteur de la construction).

Cette crise qui va nous toucher de plus en plus affecte des gens qui se rapprochent de plus en plus de moi, qui me ressemblent. On prend conscience que personne n’est à l’abri. Ces précarités et ces situations de pénuries deviennent assez universelles et renvoient plus à un modèle de fonctionnement qu’à un cas personnel.

Le prix du caddie d’il y a 5 ou 6 ans, ça n’a plus rien à voir avec le caddie d’aujourd’hui. Les prix augmentent, mais les salaires ne montent pas.

On ne va pas changer tout le système d’un coup de baguette magique. C’est un peu naïf. Mais on peut essayer de mettre en place des choses à notre petit niveau local, personnel, au niveau du voisinage, etc. Et peut-être boucher un peu les trous d’un système qui en est plein et qui laisse énormément de monde sur le côté.

Il y a un paradoxe entre le fait qu’on a tout, ici en Belgique, et qu’il y a quand même des gens qui ont faim ou qui ne savent pas se loger, même quand il y a deux salaires.

Pour moi, être dans ce resto solidaire, c’est vraiment un acte important. J’ai besoin d’être dans de l’authentique. Il y a une pénurie de sens, une pénurie d’amour, une pénurie de contact humain. Et donc ici, pour moi, c’est l’occasion de revenir à l’essentiel et d’essayer de faire une petite contribution, sinon, je ne sais pas comment je tiens là-dedans.

On est dans un système qui devient de plus en plus macroscopique, et où on perd tout un tas de réseaux d’entraide et de connaissance, qui sont des ressources précieuses, à un niveau très concret, très personnel. Il y a pénurie de lien social, de liens personnels, de communauté aussi.

J’aime cuisiner avec les gens. Je trouve nécessaire que des gens de différents horizons se rencontrent, parlent ensemble, échangent, et le fassent dans une atmosphère vraiment conviviale et sans obstacle à l’entrée, notamment financier. Je vois à quel point ça peut avoir une influence positive sur différents quartiers.

On devient de plus en plus dépendants, de moins en moins autonomes. On nous fait bouffer des choses de plus en plus dégueulasses qui nous font prendre des médicaments. On entre dans une société anesthésiée.

Toutes ces crises et pénuries provoquent énormément de colère et de peur aussi.

J’ai passé quasiment un an en bénévole à aller cuisiner, manger régulièrement dans une cuisine solidaire. C’était une période assez difficile pour moi, donc ça m’a vraiment aidé. J’ai vu ce que ça m’apportait en termes de sociabilité, de contact mais aussi de faire quelque chose de concret, de pratique et qui aide les gens directement.

Ce système n’est pas et n’est plus possible. Il renforce les inégalités entre les plus puissants et les personnes qui se précarisent de plus en plus. Et j’ai l’impression que tout le monde tolère ça.

Lors des élections, on monte les gens qui appartiennent à la classe moyenne contre les plus précarisés ou les plus fragiles en disant “ils volent vos emplois” ou « ils profitent du système”. Or, on ne regarde pas en haut alors que tout est contrôlé par des systèmes. On a l’impression que c’est hyper difficile de remodeler le système. Mais ce n’est plus trop possible de fermer les yeux et de faire comme si ça n’existait pas. Ce n’est pas parce que pour l’instant, je peux vivre à peu près correctement que c’est tolérable.

Aujourd’hui, le prix des logements, c’est le prix des salaires.

J’ai cette chance que malgré la montée des prix, l’inflation, la pénurie alimentaire, ça reste largement vivable pour moi. Mais c’est déjà anxiogène. Alors voir les impacts sociétaux que cela a au-delà de mon petit cas personnel, voir la quantité de personnes qui sont dans des situations de plus en plus précaires et instables, c’est a minima une espèce d’angoisse sourde à l’idée de ne rien pouvoir faire alors qu’il faudrait changer profondément les choses. Pour essayer de résoudre cette dissonance cognitive, j’essaie de m’impliquer dans des choses qui apportent quelque chose.

On a besoin de remettre le soin, la santé physique et mentale dans notre société comme un vrai sujet politique, et comme un enjeu pour créer un esprit de communauté, mais aussi pour qu’on soit tous en meilleure santé.

La récupération des invendus : est-ce une vraie solution? C’est une solution palliative. Ça renvoie à la question du gaspillage. Or, pouvoir faire tourner cette solution palliative suppose de ne pas corriger le problème à la racine en réduisant le gaspillage alimentaire. Sinon, on se retrouve dans une situation où les personnes qui dépendent de la récupération vont se voir supprimer cette ressource.

Je soutiens les agriculteurs à qui on impose des tas de choses et qui n’ont pas le temps ni les moyens. Ils n’en peuvent plus de toutes ces mesures. Il leur faudrait une secrétaire ou une association pour les aider à remplir tous les documents nécessaires, pour recevoir des subsides.

C’est compliqué de trouver du boulot sans diplôme, sans papiers, sans rien. Il y a 20 ans ou 30 ans, je pouvais choisir où j’allais travailler. A l’époque, on venait nous chercher. Maintenant, c’est le contraire, on n’a plus le choix.

Dans le temps, on disait « C’est au pied du mur qu’on voit le maçon ». On allait sur le chantier, on parlait au chef de chantier de nos compétences, et de là, on nous envoyait aux ressources humaines. Aujourd’hui, c’est le contraire : il faut passer par les ressources humaines qui nous font passer des tests, vérifient nos documents, nos diplômes, notre orthographe, mais pas nos compétences sur chantier.

Il y a moins de cash. Quand on avait du cash, l’argent était devant nos yeux. Avec la carte, ça part, par-ci, par-là, on ne s’en rend plus compte. Ce ne sont que des chiffres, c’est virtuel.

Avant, on achetait les fruits et légumes de saison, et local. On n’achetait pas des tomates en hiver. Aujourd’hui, on veut des tomates bien rouges et d’un certain gabarit.

Moi, je vais dans une petite papeterie de quartier. Le monsieur va fermer, parce que Amazon fait des prix imbattables. Le commerce local est au bout de sa vie.

Je veux trouver le métier qui n’en sera plus un, mais qui sera un truc où je fais « waouh ». Je pense être sortie de mon burn-out, sauf que quand j’essaye de repostuler pour un employeur, je suis prise de panique, alors que j’ai été moi-même indépendante pendant presque 10 ans. J’ai été employeur et je n’ai jamais traité mes employés et mes ouvriers comme ce que je vois maintenant. Je trouve qu’on est en grande pénurie de bienveillance.

En hôpital, maintenant, les patients sont des clients, et l’idée, c’est de faire du chiffre et toujours faire plus avec moins.

Plus on avance avec la technologie, plus il y a une pénurie de contact humain, de bienveillance, de respect, de valeurs… Dans nos propres familles, on ne se parle plus. La société fait tout pour qu’on reste devant son Netflix, son ordi, son smartphone. Plus personne ne dit bonjour dans la rue. Il n’y a plus d’enfants qui jouent dehors, des vélos, des personnes âgées sur un banc qui se parlent le soir…

J’espère qu’on va revenir au commerce de proximité comme pendant le confinement, pour le contact humain, mais pour la qualité aussi : si j’ai envie d’une bonne tranche de jambon, je veux un jambon de chez le boucher et pas un truc sous plastique, tout mouillé, plein de nitrites et plein de conservateurs.

Moi, je ne me reconnais pas du tout dans cette société dans laquelle je vis, aussi bien humainement que socialement. Je m’isole de plus en plus, notamment parce que notre pouvoir d’achat a toujours régressé, en 20 ans. On doit toujours s’habituer à avoir moins, et ça nous décale par rapport à notre entourage qui a plus de moyens…

Faire des terrains de golf qui consomment plein d’eau, ou des pistes de ski intérieures, ça n’a aucun sens. À quelques milliers de kilomètres d’ici, il y a peut-être quelqu’un qui est en train d’aller chercher de l’eau à je ne sais pas combien de kilomètres, et pour lui c’est compliqué.

La viande, je peux pas en acheter tout le temps. Après, ça me conscientise sur ma consommation de viande. Il y a beaucoup de choses intéressantes pour consommer autrement. À Louvain-la-Neuve, à Bruxelles, il y a pas mal des jardins communautaires, des jardins partagés. On peut y retrouver un peu les valeurs qu’on perd. Il y a aussi un système de troc (j’ai une salade, tu me donnes des carottes). L’idéal, ce serait de concilier l’avancée qu’on peut avoir dans un pays moderne, et en même temps, ne pas oublier la valeur des choses.

Il y a beaucoup de honte au départ à aller au CPAS et au resto du coeur. En fait, ce sont des lieux importants, où on retrouve des gens avec certaines valeurs, des lieux de partage. C’est symptomatique d’une société malade quand même.

Dans certains cas, les commerçants sont obligés de jeter de la nourriture invendue, alors que des gens ont faim, même en Belgique. Et quand la nourriture peut encore être utilisée, elle est vendue. Le don disparaît, tout s’est commercialisé…

Je vois aussi la pénurie de l’accès aux soins médicaux, due à un manque d’argent. Là, je pense que je vais annuler mon RDV chez le dentiste parce que je n’ai pas mal aux dents, et je préfère mettre 40 euros pour faire mes courses de la semaine…

Les médecins et les infirmier.ères sont trop sollicité.es par ce qui est devenu un « business », un système avec un manque d’humanisme. Ça ne m’étonne pas qu’eux aussi partent en burn-out ou en dépression. C’est ce manque d’humanité qui fait que les métiers difficiles, comme infirmiers ou policiers, sont en pénurie.

Je ne crois pas que tout doit s’écrouler pour que ça change. Je crois en la force du groupe, en la bienveillance et le côté humain de ce que l’on vit ici en formation.

Votre avis

Nous serions heureux·ses de connaître votre avis sur le Sécouez-vous les idées ! N’hésitez pas à nous en faire part.
Contactez le secrétariat de rédaction par téléphone 067 890 871 ou par mail secouezvouslesidees@cesep.be.

Édition papier

Vous souhaitez recevoir un numéro du Secouez-Vous les idée en version papier ? Contactez-nous pour connaître les conditions.

Ecrivez-nous un mail

Newsletter

Abonnez-vous à la newsletter du CESEP pour ne plus rater aucune parution.

S'abonner sur cesep.be