Il n’est plus temps de tomber de sa chaise
Édito
Par Éric Vermeersch
Édito
Les gars de la Marine envahissent l’Assemblée nationale tels les Russes un « all in » d’Antalya ! À peine croyable. Berlusconi joue les has been en Italie, ringard, trop tendre le bonhomme. Place aux vrais, aux purs, aux « Frères d’Italie » labellisés Mussolini® et à la Ligue du Nord de Salvini. En Flandre ? Un sondage du mois de mai 2022 donne le Vlaams Belang à 22,9 % et la N-VA à 22,4 %. Barre à tribord toute pour plus de 45 % des flamands. Et en Flandre toujours, « un festival néo-nazi » à Ypres auquel le collège échevinal (N-VA, OpenVLD, Vooruit) n’a rien trouvé à dire avant que des services de renseignements, étrangers et belges, ne s’en émeuvent. Comment est-ce possible ?
Sérieusement, tout est en place depuis des années pour que cela empire à chaque scrutin. Une politique économique et sociale toujours plus exclusive, l’apologie constante de la sacro-sainte liberté individuelle, la pensée unique néolibérale, l’ubérisation des relations de travail totalement assumée par trop d’élites, des services publics appauvris et en perte d’efficacité, des médias relativement complaisants quand ils ne sont pas à la solde des plus réacs, ces mêmes médias trop souvent peu enclins à expliquer posément les faits, des réseaux sociaux dérégulés où on peut dire tout et n’importe quoi et une gauche trop souvent timide, fréquemment divisée et parfois bien accommodante.
Mais quel temps dis ! Mousson l’année passée, Sahara cette année. Une sécheresse pire qu’en 1976, 40 ° pour cramer la forêt landaise et nos hortensias. Club Med sur la banquise, ski nautique sur les glaciers alpins, châteaux de sable dans le lit de la Loire. C’est incroyable.
Le décor est pourtant planté depuis longtemps pour que les cataclysmes s’enchaînent. Entre les climatosceptiques, les complotistes, les intérêts économiques à court terme des uns et des autres, les grands jamborees internationaux qui accouchent de souris, les très sérieuses études financées par les majors du pétrole, des mesures écologiques antisociales et incohérentes, des politiques qui font semblant que tout va bien, les plus riches qui le prennent de haut dans leur jet privé quand ceux d’en bas passent à la caisse en criant leur colère, on n’a pas fini de suer.
« À chaque progression de l’extrême droite, on semble tomber de sa chaise » disait Florence Aubenas sur Matin Première le 29 avril 2022. Il en va malheureusement de même pour bien d’autres sujets. Nous sommes déjà loin dans le deuxième acte de nombreuses tragédies, le rideau ne tardera plus à tomber.
« Ça ira mieux demain » chantait Annie Cordy. « J’aimeu j’aimeu le vie » nous crie Sandra Kim. Voir le bon côté des choses est dans notre kit de survie mais gare à la rengaine qui rend sourd.
Évitons, tant qu’il en est encore temps, l’overdose du numérique, autre sujet brûlant depuis quelques années. Ce n’est pas un produit banal et le bougre galope vite. Surveillons ses rêves quantiques, méfions-nous de son intelligence de fauxcul, gardons-nous de ses dons de physionomiste, protégeons-nous de ce voyeur pervers. Nous voulons une technologie au service de tous, accessible au plus grand nombre, respectueuse de nousmêmes et de l’environnement, pour une société harmonieuse. Nous y consacrons ce numéro.