Précarité : les enjeux et les leviers des acteurs de l’ISP

Conclusion

Louise Nikolic

À n’en pas douter, les crises à répétition que nous connaissons depuis plusieurs années – covid, inondations, guerre en Ukraine, prix de l’énergie, inflation… – ont renforcé la précarisation d’une frange importante de la population.

Les personnes qui vivent dans la pauvreté ne réclament plus uniquement du pouvoir d’achat, elles réclament de pouvoir vivre dignement : se loger, se chauffer, se nourrir, se soigner. Les problèmes liés à la pauvreté s’aggravent et se cumulent. Pour un public précarisé, changer de trajectoire personnelle se révèle extrêmement compliqué et la pauvreté se perpétue souvent de génération en génération.

Comment briser ce cercle vicieux ? Quelles politiques publiques mener ? Quels leviers d’action mobiliser ? Quel cadre réglementaire adopter ou adapter – et selon quelles modalités de subventionnement – afin de permettre aux acteurs de l’ISP de travailler encore plus efficacement, au plus proche des gens et en ne laissant personne au bord du chemin ? Autant de questions qui résonnent à l’approche de cette nouvelle législature et qui ont motivé la rédaction de ce numéro de la revue Secouez-vous les idées !

Notre responsabilité à tous (pouvoirs publics, associations, opérateurs de formation et d’insertion socioprofessionnelle, acteurs de première ligne – travailleurs sociaux, formateurs, etc.) est engagée. Cependant, le travail de terrain ne pourra que mieux répondre aux attentes et aspirations des personnes concernées si et seulement si de nouvelles réformes rapides et efficaces sur le plan social et économique voient le jour.

La lutte contre la pauvreté est primordiale pour plusieurs raisons :

  • La pauvreté impacte au premier plan les personnes elles-mêmes : au-delà de la précarisation de leur situation socioéconomique, en générant énormément de stress, en diminuant leur confiance en eux, leurs aspirations et leurs espoirs… Avec pour conséquence directe d’entretenir cette spirale négative.

  • La pauvreté constitue également un problème de société majeur. Son impact est évident sur la cohésion sociale. Les personnes en situation de précarité nourrissent une rancœur, une espèce de colère sociale, de frustration… vivent une réelle injustice sociale.

Dans ce numéro, nous avons vu comment les CISP participent – avec d’autres acteurs de terrain – à cette lutte contre la pauvreté multimodale et à l’inclusion du plus grand nombre dans la société. Nous avons pu observer comment les professionnels font face aux situations de précarité rencontrées par leurs bénéficiaires et quels moyens d’actions ils mettent en œuvre, dans une logique de soutien et de valorisation des stagiaires.

L’interview des 3 formateurs⸱trices du Cesep rend très justement compte de la mission des CISP, qui est de (ré-)insérer les personnes sur le marché de l’emploi mais également de leur redonner confiance, dans une perspective d’émancipation sociale, de développement personnel et d’insertion durable. Comme l’explique Christine Mahy, l’accompagnement psychosocial spécifique aux CISP – où l’équipe va prendre en compte la personne dans sa globalité et développer une approche personnalisée – est essentiel pour permettre aux personnes les plus fragilisées de reprendre pied. Afin que le stagiaire puisse concentrer son énergie sur sa formation et éviter l’absentéisme et le décrochage, le CISP va aussi l’accompagner pour le soutenir face à ses problèmes de logement, de garde d’enfants, de mobilité, de rythme de vie, de dettes ou encore d’assuétudes… L’article du Germoir en est une illustration parfaite. En effet, comme le démontre les témoignages des stagiaires en CISP, la satisfaction de leurs besoins élémentaires est une condition première en faveur de leur apprentissage et de leur capacité d’attention en formation. Répondre à ces besoins permet en outre, dans un second temps, d’augmenter énormément leurs chances de trouver – et de conserver – un emploi durable.

Le constat de la fragilisation et de la précarisation des publics en CISP est clairement établi dans l’article de Simon Romain et sert de guide à la mise en place de nombreuses actions : l’intensification de l’aide psychosociale, un encadrement rapproché et personnalisé des stagiaires, davantage de personnel et/ou plus de temps de suivi individuel… Mais aussi l’adaptation des rythmes de formation, une aide dans les besoins matériels (logement, nourriture…), des moments de partages collectifs sur les difficultés vécues par les stagiaires (illustré dans la fiche de SOFFT), des modules centrés sur le bien-être ou la revalorisation de soi. L’établissement d’un accompagnement de qualité entre les professionnels des CISP et les stagiaires, dans un climat de confiance et d’empathie – développé dans l’article sur les territoires accompagnants – est aussi indispensable pour répondre aux besoins du public. Car finalement, seule une démarche au plus près de la réalité des stagiaires basée sur la confiance et l’écoute, permet de mettre en lumière leurs conditions de vie et de développer des réponses à leurs difficultés plus adaptées…

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