Précarité et stagiaires en formation CISP

Quelques repères statistiques

Analyse

Simon Romain, chargé d'analyses à l’Interfédé

Introduction

Les CISP visent un public particulièrement précarisé et fragilisé.. Généralement peu diplômés, 70 % des stagiaires CISP disposent au maximum du certificat d’enseignement secondaire du deuxième degré (CESDD). Depuis 2020, l’Interfédé des CISP recueille des données complémentaires (à celles renseignées par les centres dans leur rapport d’activités) sur les catégories de statuts à l’entrée en formation des stagiaires et le fait que le stagiaire perçoive ou non des revenus liés à un travail. L’analyse de ces données permet de mieux cerner les caractéristiques des stagiaires CISP quant à leur situation d’exclusion et de précarité.

Le dernier rapport en date, intitulé “Stagiaires des CISP - Données précarité 20211”, débouche sur une série d’enseignements intéressants en la matière. Tout comme ce rapport, cet article aborde la problématique de la précarisation des stagiaires en CISP par le prisme de l’évolution, en pourcentage, du statut des personnes en termes de sources de revenus. Précisons dès lors que cet angle d’approche donne à voir une photographie statistique de la situation mais qu’il fait abstraction d’une analyse des facteurs et mécanismes à l’œuvre qui se cachent derrière les processus de précarisation. L’article revient également de manière assez brève sur le lien entre le statut des stagiaires et le maintien en formation. Par maintien en formation, nous entendons tout simplement le fait d’arriver au terme de la formation.

Le statut des stagiaires en formation comme indicateur de précarité

Les données supplémentaires à celles renseignées par les centres dans leur rapport d’activités et recueillies par l’Interfédé des CISP portent essentiellement sur les différentes catégories de statuts à l’entrée en formation des stagiaires avec quatre statuts possibles :

  • Stagiaire qui perçoit des allocations de chômage ou d’insertion ;
  • Stagiaire qui perçoit le revenu d’intégration sociale (RIS) ou une aide sociale équivalente (ASE) du CPAS ;
  • Stagiaire en situation de handicap, en incapacité de travail ou en inaptitude permanente (de minimum 30 %) qui perçoit des allocations du SPF Sécurité sociale ou de la Mutualité ;
  • Stagiaire sans allocation ni revenu liés au travail (sans prendre en compte les allocations familiales). L’interfédé a également recueilli des données sur le fait que le ou la stagiaire perçoive ou non des revenus liés à un travail (travail à temps partiel, contrat article 60, travail en ALE…). Le schéma ci-dessous offre un aperçu, en pourcentage, des types de sources de revenus des stagiaires en CISP : pour l’année 2021, on constate que 40,8 % des stagiaires CISP percevaient des allocations de chômage ou d’insertion ; 32,7 % des stagiaires percevaient le revenu d’intégration social (RIS) ou une aide sociale équivalente du CPAS ; 24,2 % des stagiaires n’avaient aucune allocation ni revenu liés au travail et 2,3 % des stagiaires percevaient des allocations du SPF Sécurité sociale ou de la Mutualité.
graph de pourcentages : 40,8% allocation de chômage ou d'insertion ; 32,7% RIS ou aide équivalente du CPAS ; 24,2% aucunde allocation ni revenu lié au travail ; 2,3% allocations du SPF sécurité sociale ou de la mutualité.

En ce qui concerne la perception par les stagiaires de revenus liés à un travail, ils seraient seulement 1,1 % à disposer de revenus liés à un travail en 2021. Ce pourcentage s’élevait à 3,1 % en 2020.

Les tendances observées en 2021 tendent à renforcer les constats posés dans l’analyse des données précarité de 2020 et des années précédentes. On peut mentionner une très nette augmentation de la proportion de stagiaires bénéficiaires d’une allocation du CPAS au fil des années (+13,7 % en 11 ans). Comme l’indique le graphique ci-dessous, cette proportion est en effet de 19 % en 2010, de 24,1 % en 2015, de 31,4 % en 2020, pour arriver à 32,7 % en 2021. Cette tendance s’observe dans les deux types de méthodologies des CISP : les Entreprises de formation par le travail (EFT) et la Démarche de formation et d’insertion (DéFI). Notons toutefois, que la proportion de stagiaires bénéficiant du RIS ou d’une ASE est plus importante en EFT (38,6 %) qu’en DéFI (29,9 %).

Proportion de stagiaires bénéficiant d’une allocation de CPAS ou d’une allocation de chômage

Par ailleurs, la diminution de la proportion de stagiaires bénéficiant d’allocations de chômage continue, elle aussi, à suivre la trajectoire inverse, passant de 56 % en 2010 (hors allocations d’insertion professionnelle) à 48,9 % en 2015 (hors allocations d’insertion professionnelle). Cette proportion diminue encore à 43,3 % en 2020 (en ce compris les stagiaires bénéficiant d’allocations d’insertion professionnelle) pour atteindre 40,8 % en 2021). Rappelons qu’en 2021, près d’un quart des stagiaires CISP (24,2 %) ne bénéficie d’aucune allocation ni revenu. Parmi eux, on retrouve une plus grande proportion de stagiaires de nationalité extra-européenne et européenne (respectivement 35,1 % et 27,7 % pour 18,7 % de Belges), de stagiaires sans diplôme ou dont le diplôme n’est pas reconnu en Belgique (respectivement 35,9 % et 26,4 %) et de personnes jeunes (31,2 % chez les moins de 25 ans).

L’impact du statut sur le maintien en formation

Face aux chiffres à notre disposition, on peut se demander si le statut des stagiaires influence de manière favorable ou défavorable le maintien en formation. Quand on regarde du côté des stagiaires qui arrêtent leur formation avant la fin, on observe une plus grande proportion de stagiaires ne percevant aucune allocation ni aucun revenu lié au travail (30,5 %) et de stagiaires bénéficiant d’une aide du CPAS (30,4 %) que ceux qui perçoivent une allocation de chômage ou une allocation du SPF Sécurité sociale ou de la Mutualité (respectivement 22 % et 25,3 %). En revanche, les stagiaires qui bénéficient d’allocations de chômage sont plus nombreux à achever leur formation (42,9 %) que les autres catégories (38,1  % pour les stagiaires sans allocations ni revenus liés au travail et 34,1  % pour les stagiaires qui bénéficient du RIS ou d’une aide sociale équivalente du CPAS).

graph de pourcentages : allocation de chômage ou d’insertion 42,9 % formation achevée 22 % arrêt avant la fin 34,2 % toujours en formation;RIS ou ASE du CPAS  34,1 % formation achevée 30,4 % arrêt avant la fin 35 % toujours en formation ; allocation du SPF sécu.soc. ou de la mutualité  28,7 % formation achevée 25,3 % arrêt avant la fin 44,8 % toujours en formation ; sans allocation ni revenu liés au travail  31 % formation achevée 30,5 % arrêt avant la fin 38,1 % toujours en formation ;
Répartition des stagiaires en fonction de la sutuation de parcours au 31/12/2021 par statut à l’entrée en formation

Signalons aussi que, comme observé en 2020, les stagiaires qui perçoivent des allocations de chômage sont aussi ceux dont le taux de mise à l’emploi est le plus élevé (31,6 %) en 2021. Il en est de même pour l’entrée dans une autre formation (27,3 %).

L’analyse des données précarité 2021 permet de mieux cerner les caractéristiques des stagiaires CISP quant à leur situation d’exclusion et de précarité. Sans surprise, on constate une très nette augmentation de la proportion de stagiaires bénéficiaires d’une allocation du CPAS au fil des années (+13,7 % en 11 ans), et en corolaire, une diminution de la proportion de stagiaires bénéficiant d’allocations de chômage (-15,2 % en 11 ans). Ces chiffres mettent en lumière l’effet de vase communiquant du chômage vers le CPAS qu’induisent les politiques d’activation et l’exclusion de dizaines de milliers de demandeurs d’emploi des allocations de chômage et d’insertion. Cette analyse alerte également sur le fait que près d’un quart des stagiaires en CISP ne bénéficie d’aucune allocation ni revenu lié à un travail.

En tant qu’acteurs de terrain, nous ne pouvons rester aveugles face aux constats de précarisation de nos publics et à des processus toujours plus présents d’exclusion et de désaffiliation. Le renforcement de l’accompagnement psychosocial et la prise en compte de la personne dans sa globalité s’avère d’autant plus essentiel.

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